jeudi 5 avril 2012

Lettre à mon frère Targui

Lettre à mon frère Targui

Bonjour mon frère,
Je t’écris ces quelques lignes dans l’espoir que tu me répondras
Car depuis quelques temps tu ne me réponds pas,
Je te comprends, car le 17 janvier est venu tout changer entre nous deux,
Au début, tu me disais, mon frère, tenons bon,
Mais avec ton départ précipité en dehors du mali,
Pour, me disais-tu, te mettre à l’abri de la révolte contre les « peaux blanches ».
Tu étais arrivé là-bas chez nos voisins de l’ouest,
Et tu m’as tout de suite donné signe de vie, en m’envoyant tes coordonnées,
Tu m’as même rassuré que je suis le premier à avoir tes contacts là-bas,
J’étais fier de notre amitié qui remontait à quelques années,
Te souviens tu comment a débuté notre amitié ?
C’était à la faveur de notre site préféré de discussion,
Oui, nous nous sommes rencontrés sur un forum de débat,
Notre amitié s’est tissée au cours des débats dans lesquels toi et moi avions le même combat,
 Le combat pour le Mali,
Tu aimais mes contributions et moi pareillement je raffolais tes écrits,
Une complicité tacite est tout de suite née entre nous,  
Nous nous envoyions les primeurs de nos écrits avant de les mettre sur les sites de débats;
Je me rappelle comme si c’était hier, de notre première rencontre physique à Bamako,
C’était à la faveur d’une conférence débats animée par un de nos ainés que toi et moi adoraient à la limite pour ses idées et son combat pour le Mali,
A la fin de la rencontre, je me suis approché de toi, et me présentant,
On s’était jeté l’un sur l’autre, et toute l’assistance nous regardait,
Depuis, nous avons continué notre combat commun : le combat contre la mal gouvernance,
 Hélas, ce jour maudit du 17 janvier est venu chambouler nos projets,
Tu es parti dans l’espoir de revenir, mais au dernier moment tu t’es ravisé et tu es resté là-bas loin de ton pays,     
Et moi, je continuai à échanger avec toi par la magie de la toile mondiale,  
Seulement voila, les choses commencent à se corser au nord, chez toi, chez moi,
Nos échanges deviennent rares ;
Quand je t’écris, tu prends du temps à me répondre,
Et quand tu me poses une question embarrassante, je me débine à mon tour,
A vrai dire on s’évite,
Chacun, se cachant dans son océan de questions et d’appréhensions,
Comme si chacun de nous, fuit l’autre, et pour cause,
Arriva, le vendredi ou les rebelles entrent dans ma ville Ansongo sans combat,
Tu m’envoies un message dans lequel, tu me demandais si j’ai les nouvelles d’Ansongo,
Je te réponds que oui,
Depuis, tu ne me réponds que par : oui, exact, tout à fait…
Nos relations ont basculé dans la méfiance sans que nous nous expliquions,
Sans se parler, nous nous parlons à nous même,
Tu  te demandes qui est ce qui pourrait arriver demain ?
Et moi de mon coté, la même question ?
Toi et moi, sans se parler, sommes convaincu d’une chose ;
Aucune communauté ne peut dominer l’autre
Si la situation au nord perdure, ce sera une guerre de longue haleine,
Oui, toi et moi serons dans une guerre de survie ;
Et nous devrions mener cette guerre ensemble pour gagner l'amour contre la haine
Cette guerre nous la ferons tout en évitant de tomber dans la destruction de l'autre
Oui pour la guerre de survie,
Non pour la guerre d'extermination,
Tu vois, mon frère,  toi et moi n’avons d’autre choix que de vivre ou de mourir,
Le nord est pour toi,
Le Nord est aussi pour moi,
Tu ne peux me chasser et mon non plus,
Alors, toi et moi vivrons vaille que vaille sur nos terres,
Les terres de nos ancêtres,
Penses à nos rêves communs interrompus à cause de la bêtise humaine,
Penses à tes rêves quotidiens qui sont à jamais compromis,
Penses à tes amis, voisins du quartier,
Penses à tes parents dispersés dans la nature,
Penses à tes frères, sœurs songhaï, ou bambara, qui se cachent pour souffrir sur les terres qui les vus naitre,
Oui, mon frère, je te disais que notre rôle est crucial,
Faisons quelque chose pour éviter à nos communautés,
La cruauté humaine, je veux dire le génocide à la rwandaise,
Oui mon frère Dialladjo, toi et moi n’avions jamais été aussi proche de l’irréparable,
Heureusement qu’il y a encore un grain d’espoir,
Saisissons le et disons : non à un génocide programmé,
Oui nous devrions vivre cote à cote, chacun sur ces terres, à défaut de pouvoir vivre ensemble.  
Car le plus important c’est avant tout la vie,
Et la guerre pour la vie n’a pas de prix,
Le prix de cette vie, c’est toi et moi, mon frère Assadeck.

     
Yachim Maiga
Un fils du Mali d’Haïti

Port-au Prince, le 5 avril 2012


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